Article cpnm 004
OPPOSITION CHEZ L’ENFANT
Quand la maison devient un champ de bataille
Léa, 7 ans, refuse catégoriquement de ranger ses jouets. « Non, je ne veux pas ! » hurle-t-elle, les bras croisés. À l’école, les enseignants remarquent qu’elle conteste régulièrement les consignes, provoquant des tensions avec ses camarades.
Ses parents se demandent : « Est-ce juste une phase, ou devons-nous nous inquiéter ? ».
Ce genre de situation, bien que fréquente, peut laisser les parents désemparés.
> Dans cet article, nous allons explorer les causes de l’opposition chez l’enfant et proposer des stratégies concrètes pour rétablir un climat apaisé à la maison et à l’école.
Pourquoi les enfants s’opposent-ils ?
Explication :
L’opposition chez l’enfant fait partie intégrante du développement. C’est un moyen pour lui d’affirmer son identité et de tester les limites. Cependant, certains comportements peuvent devenir problématiques lorsqu’ils perturbent significativement la vie familiale ou scolaire.
- Les bases neuropsychologiques de l’opposition
Le comportement oppositionnel peut être lié au développement du cerveau, notamment des fonctions exécutives (contrôle des émotions, planification et inhibition). Le cortex préfrontal, responsable de ces fonctions, est encore immature chez l’enfant, ce qui explique ses réactions impulsives et ses difficultés à gérer la frustration. C’est pour cela que l’on retrouve une grande proportion d’enfants présentant des comportements d’opposition et un trouble neurodéveloppemental, comme le TDAH par exemple.
- Les facteurs émotionnels et environnementaux
Les émotions jouent un rôle clé dans l’opposition. Les enfants manquent souvent d’outils pour exprimer leur frustration ou leur fatigue autrement que par la confrontation. Les interactions parent-enfant, le stress familial, ou un environnement trop permissif ou, au contraire, trop rigide, peut également amplifier ces comportements.
- Opposition et troubles du comportement
Dans certains cas, l’opposition fréquente et intense peut être le signe d’un trouble oppositionnel avec provocation (TOP). Ce trouble se caractérise par une hostilité persistante envers l’autorité et un non-respect des règles. Il nécessite une prise en charge spécifique pour éviter des complications à long terme.
Pour mieux comprendre l’impact des comportements oppositionnels au quotidien et les stratégies qui peuvent être mises en place.
Examinons deux exemples cliniques illustrant des parcours différents.
Deux Exemples de Parcours pour Mieux Comprendre et Agir
Cas tirés de ma pratique clinique
*Les cas cliniques présentés sont fictifs et à titre d’illustration uniquement*
Le refus constant
Camille refuse tout : s’habiller, manger, partager ses jouets. Les matins sont chaotiques, et ses parents se sentent impuissants face à ses cris. Lorsqu’ils insistent, les crises s’intensifient, laissant tout le monde frustré.
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> Intervention mise en place :
Un plan d’action a été élaboré en collaboration avec une psychoéducatrice :
- Anticiper les transitions : Camille avait du mal à changer d’activité. Ses parents ont commencé à le prévenir 5 minutes avant chaque transition (« Camille, dans 5 minutes, on s’habille pour aller à l’école ») et à utiliser un minuteur visuel pour qu’il se représente plus facilement le temps restant.
- Proposer des choix contrôlés : Au lieu de dire « Habille-toi ! », ils lui ont donné deux options : « Tu préfères mettre ton pull bleu ou ton pull rouge ? ». Cela réduisait son sentiment de contrainte tout en respectant les attentes parentales.
- Récompenser les comportements coopératifs : Un tableau de motivation a été introduit, où Camille recevait une étoile pour chaque tâche accomplie, sans opposition. Ces étoiles étaient échangées contre une activité agréable, comme jouer avec ses parents ou avoir plus de temps de lecture avant d’aller se coucher.
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> Résultat : En deux mois, les conflits ont diminué. Camille s’oppose moins car il sait à quoi s’attendre, et ses parents ont appris à gérer les tensions de manière plus calme.
Les conflits à l’école
Emma interrompt souvent ses enseignants, refuse de participer aux activités en groupe, et se met à bouder ou pleurer quand elle est frustrée. Ses parents craignent qu’elle soit perçue comme une enfant « difficile » et que son estime de soi soit fragilisée à force de remarques répétées.
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> Intervention mise en place :
Après une évaluation, plusieurs actions ont été initiées :
- Responsabilisation à l’école : L’enseignante a donné à Emma des tâches valorisantes (distribuer le matériel, être responsable du tableau). Ces rôles lui ont permis de canaliser son énergie tout en se sentant valorisée.
- Travail sur la gestion émotionnelle : À la maison, les parents ont appris à reconnaître et valider les émotions d’Emma (« Je vois que tu es en colère parce que c’est difficile, mais dis le moi avec des mots pas en tapant »). Un coin calme a été aménagé pour qu’elle puisse se retirer en cas de frustration.
- Jeux pour renforcer la patience : Ses parents ont introduit des jeux comme le « feu tricolore » : Emma devait attendre le feu vert (signal des parents) avant de commencer une tâche amusante. Cela l’a aidée à mieux gérer l’attente.
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> Résultat : En trois mois, Emma participe davantage en classe et parvient à exprimer la plupart de ses frustrations sans provoquer de crises majeures.
Ces situations illustrent combien des interventions ciblées peuvent transformer des conflits en opportunités d’apprentissage.
Pour aller plus loin, voici cinq stratégies clés que vous pouvez appliquer au quotidien.
Clefs pour mieux gérer l’opposition
Donner des consignes claires et positives
Un enfant opposant se braque souvent devant des interdictions ou ordres vagues. Privilégiez des consignes positives et simples.
- Exemple : Remplacez « Arrête de crier ! » par « Parle doucement, s’il te plaît ».
- Astuce : Faites un contact visuel et assurez-vous que l’enfant a bien entendu la consigne avant de répéter. Limiter la répétition des consignes.
Encourager la coopération par des choix
L’opposition vient souvent d’un sentiment de perte de contrôle. Donnez à votre enfant des choix limités pour qu’il sente qu’il participe.
- Exemple : « Tu préfères ranger tes livres d’abord ou tes jouets ? »
- Astuce : Proposez deux options valides pour éviter un choix non réalisable. Surtout, ne pas tomber dans l’argumentaire ou la négociation au risque d’alimenter l’opposition.
Réagir avec calme face à la provocation
Les crises s’intensifient souvent lorsque le parent perd patience. Prenez quelques secondes pour respirer et calmer votre réponse.
- Exemple : « Je vois que tu es frustré, je vais attendre que tu sois prêt pour qu’on en parle. »
- Astuce : Si nécessaire, éloignez-vous brièvement pour éviter d’alimenter le conflit et profitez-en pour montrer un exemple de régulation émotionnelle (p.ex. “ maman a besoin d’un temps calme, on en reparle après”).
Instaurer des routines claires
Un enfant opposant s’oppose moins dans un cadre prévisible. Les routines structurées réduisent son incertitude.
- Exemple : Créez un emploi du temps visuel pour organiser les moments clés de la journée (matinée, devoirs, coucher).
- Astuce : Laissez l’enfant co-construire la routine pour favoriser son adhésion.
Valoriser les comportements positifs
Soulignez les efforts et non les erreurs pour encourager la coopération.
- Exemple : « Merci d’avoir rangé tes jouets si rapidement, ça m’aide beaucoup ! J’ai gagné du temps grâce à toi, alors que dirais-tu de faire une partie de Uno avant le souper ? »
- Astuce : Utilisez des systèmes de récompense comme des tableaux de motivation, mais sans exagération, pour éviter une dépendance aux récompenses (éviter les cadeaux et l’argent et privilégier plutôt du temps additionnel pour une activité plaisante ou des moments privilégiés avec un parent).
UN PAS À LA FOIS POUR APAISER LES TENSIONS
L’opposition chez l’enfant est souvent un moyen de s’affirmer ou d’exprimer des émotions qu’il ne sait pas encore gérer.
En ajustant votre communication et en mettant en place des stratégies adaptées, vous pouvez transformer les conflits du quotidien en opportunités d’apprentissage et de rapprochement familial.
Si les comportements opposants deviennent ingérables ou persistants, n’hésitez pas à consulter un professionnel pour un accompagnement personnalisé.
Ressources à Consulter
LIVRES À LIRE (POUR PARENTS)
- Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent – Adele Faber et Elaine Mazlish.
- L’opposition: Ces enfants qui vous en font voir de toutes les couleurs – Benoît Hammarrenger
LIVRES À LIRE (POUR ENFANTS)
- Champion pour maîtriser sa colère – Dawn Huebner.
- Grrr!!! Comment surmonter ta colère – Elizabeth Verdick et Marjorie Lisoyskis.
INTERVENTIONS RECOMMANDÉES
- Psychoéducation parentale
Permet aux parents de mieux comprendre les mécanismes de l’opposition et les besoins souvent cachés derrière ces comportements. Des ateliers de groupes sont aussi proposés par plusieurs cliniques et associations pour développer des techniques d’habiletés parentales et des stratégies pour faire face à l’opposition.
- Entraînement aux habiletés sociales et à la gestion des émotions
Souvent proposé en groupe, il apprend à l’enfant à mieux identifier et réguler ses émotions, interagir avec ses pairs et à gérer les conflits.
- Psychoéducation ou Éducation spécialisée
Aide l’enfant à prendre conscience de ses comportements, lui apprend à verbaliser ses besoins et ses émotions de façon plus adaptée et ainsi favoriser une meilleure régulation de ses émotions.
- Neuropsychologue Lorsque la situation devient trop difficile et que ces comportements ont des répercussions sur la qualité de vie de l’enfant et de sa famille ou encore sa réussite scolaire ou ses relations sociale, il peut être souhaitable de procéder à une évaluation neuropsychologique. Celle-ci va permettre d’établir un profil complet de l’enfant pour mieux le comprendre dans son ensemble et de déterminer l’origine de l’opposition, sa sévérité et si celle-ci s’inscrit dans un syndrome à origine neurodéveloppementale comme le syndrome de Gilles-de-la-Tourette ou le TDA/H par exemple.
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Article écrit par
Elodie Authier (Neuropsychologue)
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